Agnès Hostache, en résonance avec Eileen Gray à Menton

Avant d’être illustratrice, Agnès Hostache était directrice artistique dans la pub, mais surtout architecte d’intérieur. On ne lui fera donc pas l’affront de demander comment elle a connu Eileen Gray. Développant un attrait pour la designer et architecte irlandaise au point de lui consacrer son deuxième roman graphique – E.1027 – d’après le roman de Céline Houdart Tout un monde lointain. Le titre faisant référence à la villa conçue, à Roquebrune, par Eileen Gray et Jean Badovici.
À l’occasion des Journées européennes du Patrimoine, alors que le thème portait justement sur l’architecture, la bibliothèque municipale de Menton s’est attachée à exposer une sélection d’illustrations de cet ouvrage paru en 2023. Résumé ainsi par l’éditeur, Lézard noir: "Ce roman graphique est un hommage à la villa E. 1027, personnage à part entière du récit, mettant en scène Gréco, une décoratrice qui veille avec un soin amoureux sur la villa blanche conçue par Eileen Gray, et deux jeunes squatteurs, danseurs au style néo-hippie".
"À travers ses gouaches acryliques, Agnès Hostache utilise des tons directs, éclatants, pour nous plonger dans un univers où se mêlent songes et tourments. Je vous encourage à ressentir, vous laisser emporter", commente la directrice de l’Odyssée, Rose-Marie Matton. Précisant que les œuvres seront visibles jusqu’au 29 octobre. Que l’exposition est complétée par des panneaux explicatifs réalisés par le service du patrimoine.
Agnès Hostache rappelle quant à elle être venue une première fois à la bibliothèque de Menton pour une rencontre, au mois de mars. "Un peu comme une prémonition, Rose-Marie m’a demandé si on pouvait tirer des grands tirages d’extraits de mon livre, au moment où une galerie à Paris m’a demandé de travailler, en peinture, sur des grands formats", sourit-elle.
En aparté, l’illustratrice explique qu’elle avait déjà son projet de livre dans les tuyaux au moment de candidater pour faire une résidence dans la villa E.1027. Mue par son amour pour le travail de l’architecte – du choix du terrain jusqu’aux accessoires, en passant par les petits mots pleins d’humour.
En résidence dans la villa
Cette résidence, la première proposée sur le site Cap moderne, Agnès Hostache l’a remportée. "Mais je n’ai pas eu de chance: la pandémie est arrivée, et ça a été annulé. Puis le programme de réhabilitation a pris du retard, et ils n’arrivaient pas à me faire venir. J’avais fini par faire une croix dessus. Jusqu’à ce que Magda Rebutato m’appelle en 2022 pour me dire: on ne peut plus pour deux mois, mais venez pour un. "
Ironie du sort, Agnès Hostache avait terminé son travail quelques mois auparavant. Toutes ses planches (ou presque) étaient prêtes. Mais le malheur, parfois, fait bien les choses. "Le fait de venir sur place m’a confirmé que j’avais eu de la chance de ne pas y avoir été avant: j’ai pu mettre ma patte, gagner en liberté. Sans quoi j’aurais été écrasée par le site. Mon plus gros souci était de ne pas tomber dans les clichés. Mais aussi de savoir trouver ma place." Son mois en immersion lui aura surtout permis de valider les choses, et de travailler sur la première de couverture – qui court sur trois volets. "J’ai aussi mis en place un projet qui relate ma résidence à Roquebrune. C’est l’occasion de raconter tout ce que j’ai appris sur la villa. J’ai tout mon scénario mais le projet n’a pas encore abouti", glisse-t-elle. Soucieuse de le concrétiser un jour.
Agnès Hostache en a bien conscience: E.1027 est intrinsèquement lié à son premier roman graphique, Nagasaki. Également édité par Lézard noir.
"C’est une maison d’édition franco-japonaise qui distribue des romans graphiques que j’adore. Ils avaient l’intention d’ouvrir leur catalogue à du travail d’auteur en France. C’est pour cela qu’ils ont adhéré à Nagasaki. Mais quand j’ai travaillé sur E.1027, je leur ai dit que le chemin allait devoir s’arrêter; je n’allais pas travailler que sur des romans graphiques japonais… L’éditeur m’a demandé de regarder malgré tout. Il a vu un lien au niveau de l’histoire – par rapport à l’habitat, notamment – et a accepté de publier", retrace-t-elle. Glissant que Nagasaki est aussi l’adaptation d’un roman, signé Eric Faye.
"Le prochain, je l’écris moi. Même si comme je lis beaucoup, je me mets la barre un peu haut", complète Agnès Hostache. Parée à entrer en résidence, pour trois mois, à la médiathèque Noailles de Cannes. Au programme, outre les rencontres avec divers publics: avancer sur ce fameux troisième livre, et sur un deuxième projet en littérature jeunesse.
Nice Matin