Le diamant des Habsbourg qu’on pensait disparu, était dans un coffre au Canada

Une des plus grandes énigmes de la joaillerie vient d’être résolue, celle de la disparition du Florentin de Toscane, un incroyable diamant jaune citron de 137, 27 carats.
L’une des plus grandes énigmes de l’histoire de la joaillerie vient d’être résolue, celle du Florentin de Toscane disparu depuis 1918 et dont les experts pensaient qu’il avait été «maquillé» (retaillé) et revendu. Ce jeudi dans le New York Times, les descendants de la famille impériale de Habsbourg ont révélé que ce diamant légendaire de 137, 27 carats, à l’extraordinaire couleur jaune citron, était en réalité conservé dans le coffre d’une banque au Canada. Mieux encore, il est toujours serti dans sa monture d’origine, une agrafe de gros diamants que le duc François de Lorraine, grand-duc de Toscane, empereur du Saint-Empire romain germanique portait le 12 février 1736, lorsqu’il épousait Marie-Thérèse, héritière de toutes les couronnes de la maison d’Autriche. Non seulement cette agrafe mais également quatorze autres joyaux impériaux appartiennent ainsi toujours aux descendants de Charles 1er, le dernier souverain d’Autriche mort en exil à Madère en 1921.
La trace de ce diamant a été perdue un soir de novembre 1918. L’Europe sort de quatre années de guerre. La paix est en vue, mais les grands empires s’effondrent des deux côtés des belligérants. Le tsar Nicolas II et sa famille ont été assassinés au mois de juillet. L’empire allemand est à l’agonie et l’avenir de l’empire des Habsbourg est tout aussi incertain. À la demande de l’empereur Charles, le comte Berchtold se rend à la Hofburg, le palais impérial de Vienne, afin de retirer des vitrines XII et XIII du trésor impérial, les joyaux appartenant personnellement au souverain et à la dynastie. Dans la hâte, les écrins sont laissés sur place, les bijoux s’entassent dans un grand sac de voyage. La pièce la plus spectaculaire est la couronne de l’impératrice Sissi intégralement sertie de perles et de diamants. Viennent ensuite plusieurs pendentifs de l’ordre de la toison d’or. Ils sont sertis de diamants et de pierres de couleurs.
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Les perles impériales sont réparties sur plusieurs colliers, bracelets et une énorme broche de devant de corsage. Il y a encore une parure d’émeraude montée en 1878, par Köchert, le joaillier de la couronne avec des pierres provenant de l’impératrice Marie-Thérèse. Les diamants sont montés sur des rivières, des broches et un énorme diadème. L’un des ensembles les plus précieux est la parure de rubis de la reine Marie-Antoinette qui sauvée de la Révolution, reviendra à sa fille, Madame Royale, qui la vendra à son cousin l’empereur d’Autriche. Elle sera remontée plusieurs fois au cours du XIXe siècle pour l’impératrice Sissi. Lors de son couronnement en tant que reine de Hongrie en 1867, Sissi, toujours elle, a fait monter par Köchert une aigrette et une broche en forme de nœud aux couleurs de son nouveau royaume, le vert le blanc et le rouge. Les trois couleurs sont évoquées avec des rubis, des émeraudes et des diamants.
Enfin, bien sûr, le comte Berchtold retire des vitrines le plus grand trésor de la famille impérial, le Florentin de Toscane. L’histoire de cette pierre débute avec une légende un peu confuse. Elle aurait appartenu à Charles le Téméraire, le grand-duc de Bourgogne qui l’aurait perdu lors de l’une des dernières batailles de son règne à Grandson ou à Nancy en 1477. Un siècle plus tard, son histoire officielle débute à Florence à la cour des Médicis. Maria Magdalena d’Autriche, grande duchesse de Toscane, le porte dans sa coiffure sur un portrait datant des années 1620. Jusqu’à l’arrivée du Régent en France au début du XVIIIe siècle, il est le plus gros diamant taillé d’Europe. À cette époque, un seul pays d’origine est possible, l’Inde et plus particulièrement les mines du sultanat de Golconde qui produisent d’extraordinaires diamants de couleur.
Las ! En 1743, la brillante dynastie des Médicis s’éteint avec la dernière princesse, Anne-Marie-Louise, électrice palatine, sœur du dernier grand-duc. Elle n’a pas d’enfants. Aujourd’hui encore son testament fait loi à Florence. Elle lègue à la ville tous les biens et toutes les collections d’art de sa famille. Grâce à elle la ville possède l’un des plus beaux patrimoines artistiques du monde. Le Grand duché lui, n’est pas resté sans héritiers. Grâce à un tour de passe-passe diplomatique, il a été attribué à François Ier, duc de Lorraine. Par son mariage avec Marie-Thérèse d’Autriche, la Toscane, reviendra aux Habsbourg. Le Florentin passe lui aussi sous le contrôle de la dynastie autrichienne. Et le beau diamant jaune demeure à Vienne dans le trésor impérial jusqu’à la fameuse visite du comte Berchtold...
Débute alors une période trouble. À la demande de l’empereur Charles, les bijoux sont transférés en Suisse, le pays où il se réfugie avec sa famille, au mois de mars 1919, après la chute de la monarchie. Les joyaux connaissent le destin habituel des trésors appartenant aux souverains détrônés. Les colliers et les bracelets de perles sont vendus à la maison Cartier pour financer les premiers mois de l’exil. Puis c’est le tour de la couronne de Sissi, des parures d’émeraudes et de rubis. À la fin de l’année 1921, la famille impériale est exilée à Madère où l’empereur meurt à 34 ans, d’une pneumonie, le 1er avril 1922. Entre-temps, l’impératrice Zita a fait un bref voyage en Suisse où elle a appris qu’une grande partie des joyaux qui n’ont pas été vendus a été subtilisée par un homme d’affaires malhonnête. Tous les joyaux ? Sans doute pas. Dès lors, un voile tombe sur le Florentin. La plupart des experts sont unanimes: la pierre a disparu, sans doute maquillée, c’est-à-dire retaillée et revendue discrètement.
En fait, elle n’a jamais quitté les coffres de la famille impériale. En 1940, l’impératrice Zita, opposante farouche du régime hitlérien, s’est réfugiée au Canada puis revient en Europe en 1950 et meurt en 1989 dans un couvent en Suisse. Et si ses huit enfants sont tous morts eux aussi, les joyaux appartiennent toujours aux descendants. Le Florentin n’a pas bougé de sa monture historique. Les pendentifs de la Toison d’or sont intacts. La broche devant de corsage de Sissi porte toujours ses cinq énormes perles poires. Une montre fabuleuse est dissimulée derrière une énorme émeraude dont le décor de feuillages a été créé par le joaillier Köchert. La collection comprend aussi les deux bijoux de rubis, émeraudes et diamants fabriqués dans les ateliers de Köchert pour le couronnement de Sissi... Après un siècle d’oubli les Habsbourg ont donc choisi de révéler qu’ils possédaient encore ces bijoux. Et apparemment, ils ont l’intention de les conserver.
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