Justice. Epouse disparue : Cédric Jubillar pourrait-il être acquitté comme l'a été Jacques Viguier ?

Le procès de Cédric Jubillar s'est ouvert ce lundi à Albi, 15 ans après celui tout aussi retentissant de Jacques Viguier, acquitté deux fois du meurtre de sa femme disparue, dans une affaire souvent comparée à celle du peintre-plaquiste.
Comme Delphine Jubillar en décembre 2020 près d'Albi, Suzanne Viguier disparaît mystérieusement en février 2000 à Toulouse. Chacune d'entre elles avait une relation amoureuse avec un autre homme et souhaitait divorcer.
Jacques Viguier, dont le comportement après la disparition de son épouse est jugé étrange, comme le sera celui de Cédric Jubillar 20 ans plus tard, devient aussi le principal suspect du meurtre de son épouse dans cette affaire également sans corps ni aveux ni preuves irréfutables.
Les deux enquêtes durent plusieurs années, mettant en évidence des « indices graves et concordants » qui amènent la justice à renvoyer le mari devant la cour d'assises pour le meurtre de sa femme disparue.
Pour l'ancien avocat de Jacques Viguier, Georges Catala, dans les deux cas il y a « une absence totale d'élements permettant de donner un fil conducteur à l'accusation »: « Aucune démonstration rigoureuse n'a été faite, ce qui explique que Viguier ait été acquitté deux fois et que Jubillar sème quand même le désarroi au niveau de l'accusation », estime-t-il.
Faute de « preuves tangibles », pointe Me Catala, la « subjectivité » risque de prendre le dessus: « On va dire ce gars se présente bien ou mal, il ne ment pas, il est bête, il n'est pas gentil, il n'est pas comme nous, etc. Bref, on est dans un domaine extrêmement glissant et extrêmement dangereux pour la justice », selon lui.
Une enquête bâclée contre une enquête minutieuseEn revanche, pour l'avocat de la cousine de Delphine Jubillar, Philippe Pressecq, les deux enquêtes ne peuvent pas être mises sur le même plan.
« L'affaire Viguier se caractérisait par une enquête policière d'une très mauvaise qualité. On se souvient des incidents avec l'amant qui intervenait, des scellés qui étaient brisés, des faux témoignages », précise-t-il, rappelant que, pendant le procès en appel, en mars 2010, l'amant de Suzanne Viguier a été mis en garde à vue pour « subornation de témoin » et une baby-sitter l'a été pour « faux témoignage ».
« Jubillar, c'est l'inverse: une enquête extrêmement bien faite, extrêmement objective. Et, contrairement à ce qu'on a pu lire ici et là, les gendarmes ne se sont pas totalement focalisés sur le mari. Ils ont cherché d'abord à savoir si elle avait pu s'enfuir, disparaître, si elle avait pu se supprimer ou être agressée par quelqu'un d'autre. Et, au bout d'un moment, l'entonnoir est allé vers le mari », poursuit l'avocat.
Or, pour l'un des avocats de Cédric Jubillar, Alexandre Martin, les deux enquêtes ont bien été menées « à charge » dans ces affaires qui « se ressemblent ».
« Une application stricte de la présomption d'innocence »Au milieu de ces ressemblances, Me Martin relève toutefois une différence perceptible: Cédric Jubillar comparaîtra détenu, ce qui n'avait pas été le cas de Jacques Viguier. Après la disparition de son épouse, une professeure de danse âgée de 39 ans, Jacques Viguier, alors vice-doyen de la faculté de droit et professeur à l'université de Toulouse, passe neuf mois en prison. Il est ensuite libéré et comparaît libre, avant d'être acquitté deux fois, en avril 2009 à Toulouse, puis en mars 2010 à Albi.
« Cet homme a bénéficié, et c'est bien normal, et j'en suis ravi pour lui, d'une application stricte de la présomption d'innocence, avec une remise en liberté au bout de quelques mois, ce que nous avons sollicité pour Cédric Jubillar en vain pendant quatre années », affirme Me Martin.
« Je ne sais pas si c'est parce que d'un côté on a un plaquiste du Tarn et de l'autre côté un professeur agrégé, je n'ose l'imaginer, mais je suis obligé de constater cette différence de traitement », ajoute-t-il.
Le Républicain Lorrain