Lyon : dans les restaurants de la capitale de la gastronomie, le «fait maison» fait débat
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54% des établissements contrôlés en 2024 sur la mention «fait maison» étaient en infraction selon la préfecture du Rhône. Une mention particulièrement encadrée par la loi que la profession aimerait voir évoluer.
Un rapport sur le «fait maison», publié par la préfecture du Rhône le 18 février dernier, a jeté un froid dans le monde culinaire lyonnais. En 2024, 238 restaurants ont été contrôlés sur leurs éléments de communication dont le «fait maison» et le titre de «maître restaurateur», ou encore le poids et l’origine des viandes vendues.
Sur le «fait maison», 59 établissements revendiquant cette mention ont été contrôlés. 54% d’entre eux étaient en anomalie (soit 32 établissements). «Une proportion importante a fait l’objet d’un simple avertissement écrit (soit 26 établissements). Dans les situations les plus préjudiciables (clients bernés ou pour les concurrents lésés par des détournements indus de clientèle), les services ont procédé par injonctions (3 établissements) sous délai contraint de modifier soit les publicités soit les modes de fabrication, ou transmis à la justice pour sanction (soit 5 établissements)», indique la préfecture.
Ces chiffres font tache dans la capitale de la gastronomie. Et révèlent une certaine méconnaissance de la profession vis-à-vis de la mention «fait maison», définie par des règles de loi très encadrées. Gérard*, patron d’un des établissements contrôlés, l’a appris à ses dépens. Plusieurs infractions portant sur des crèmes de marrons et des pralines, non produites sur place, ont été constatées lors d’un contrôle dans son restaurant. «Pour moi, c’est une application de la règle à l’excès. Je n’ai jamais vu de restaurateur faire sa crème de marrons lui-même», déplore-t-il.
Le «fait maison» est encadré par l’article D122-1 du code de la consommation. Dans sa définition, il met en avant l’utilisation de produits bruts et admet quelques exceptions pour «les produits que le consommateur ne s’attend pas à voir réaliser par le restaurateur lui-même» comme les salaisons, saurisseries et charcuteries - à l’exception des terrines et des pâtés -, les fromages, le pain, les pâtes, les épices ou les alcools.
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Un texte qui a permis «de créer une clarté vis-à-vis du consommateur», explique Thierry Fontaine, patron de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) du Rhône. «Surtout dans une époque où les plats préparés avaient envahi de nombreux établissements», indique un autre restaurateur sous couvert d’anonymat. Toutefois pour ce dernier «la période a changé» : «Oui, il y a eu l’épopée du produit industriel, du plat Métro, qui colle toujours à la peau de cette enseigne. Et le “fait maison” est arrivé pour contrecarrer ça. Mais aujourd’hui, même Métro a changé avec des produits bruts de très bonne qualité. Et le niveau global s’est élevé dans un contexte tellement concurrentiel que les cuisiniers ne font plus n’importe quoi.»
Selon Thierry Fontaine, une modification de la loi pour plus de précision serait nécessaire : «Pour moi, quand on prend un produit d’excellence, fait par un artisan reconnu, on ne contrevient pas à la mention “fait maison”. Moi, je ne me ferais pas opérer du cœur par un médecin généraliste. Parfois, il vaut mieux avoir affaire à des experts d’un domaine que de manger un produit fait sur place mais décevant».
En parallèle du «fait maison», purement déclaratif, la profession s’est organisée à travers plusieurs labels, comme Maître restaurateur, pour faire valoir certains savoir-faire. Ces labels, dont les établissements porteurs sont audités chaque année, sont plus fiables que la simple mention «fait maison» et sont de plus en plus recherchés. Au point de voir cette dernière reculer car trop contraignante. «Il y a un mouvement inverse qui tend à voir cette mention disparaître au profit de mentions non encadrées par la loi comme “fait sur place” ou “du patron”», indique un restaurateur.
D’après le président de l’UMIH du Rhône, des discussions sont en cours pour travailler sur une évolution du «fait maison». Pour ce dernier, le nombre important de contrôles réalisés en 2024 à Lyon ne représente d’ailleurs pas la réalité du terrain : «Au démarrage, les services d‘inspection vont dans les établissements qui ont fait l’objet de signalements, mais ça se tasse avec les années». En 2024, 75% des établissements contrôlés étaient en non-conformité, dont une majorité pour des anomalies mineures. En tout, 138 avertissements ont été dressés, huit amendes administratives pour absence d’information sur les prix et 39 procès-verbaux pénaux.
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