«Un savoir-faire régional et une culture menacée par l’Europe» : en Gironde, un recours de la commission européenne inquiète les amateurs de chasse à la palombe
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Tradition ancestrale, la chasse à la palombe au filet est encore pratiquée par près de 5000 chasseurs en Gironde mais menacée par une directive européenne.
En Gironde, la chasse à la palombe au filet demeure un art, exercé dans quelque 1500 palombières. Souvent remise en question ces dernières années, cette pratique ancestrale est de nouveau mise en péril depuis la mi-février par une décision de la commission européenne. Cette dernière a annoncé déposer un recours contre la France pour «pour non-respect des dispositions relatives à la chasse de la directive Oiseaux». En cause : l’usage des pantes et filets, qui sont interdits par cette norme européenne car ils ne distinguent pas les espèces lors de la capture. Une logique, qui a conduit en mai dernier, à l’interdiction de la chasse traditionnelle aux alouettes.
La chasse traditionnelle de la palombe est-elle la prochaine sur la liste ? Pour l’instant autorisée par régime dérogatoire dans les 5 départements où elle est historique (Gironde, Lot-et-Garonne, Gers, Pyrénées-Atlantiques et les Landes), cette activité est pratiquée un mois durant, du 15 octobre au 20 novembre. Près de 20.000 palombes sont capturées en Gironde par les paloumayres, les chasseurs de palombes. Cela représente seulement 20% des 100.000 d’entre elles qui sont chassées chaque année dans le département. Les 80.000 autres sont chassées au fusil.
«L’incompréhension face à cette décision européenne, alors que l’Union européenne à des sujets plus importants à traiter comme la guerre en Ukraine , est totale, s’agace Henri Sabarot, président de la Fédération de chasse de la Gironde. La chasse de la palombe aux filets est un art pratiqué par des passionnés. Il faut avoir du temps, savoir roucouler, jouer jusqu’à faire se poser le vol de la palombe, la faire descendre, puis la capturer. Et une palombe ne peut pas être confondue avec d’autres oiseaux.» Même écho du côté de Jacques Gaye, grand maître de la confrérie des Paloumayres de l’Entre-deux-mers. «Ils disent que les pantes ne sont pas assez sélectifs, mais on n’attrape que des palombes. Les petits oiseaux passent au travers. Ce sont surtout toutes les traditions locales qui sont attaquées : le foie gras, la corrida , tout y passe», s’alarme-t-il. Une inquiétude qui semble partagée : 21.530 personnes ont signé la pétition de défense de la chasse à la palombe traditionnelle, publiée quelques heures après la décision de la commission européenne, le 13 février dernier.
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«La chasse de loisir et de plaisir est une question de conscience», tempère le président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) Allain Bougrain-Dubourd pour qui «la chasse à la palombe n’est pas une priorité». Il admet en effet que cette espèce est loin d’être menacée et que sa population est plutôt en croissance en France. Ces oiseaux migrateurs se sont notamment installés massivement dans la forêt des Landes, depuis quelques années, à la faveur du réchauffement climatique.
Un constat, qui a également poussé Alain Rousset, président de la Région Nouvelle Aquitaine, à s’adresser au premier ministre, le 20 novembre, pour défendre «un savoir-faire régional et une culture menacée par l’Europe». «Les filets, leur mode de fermeture par observation, et leur mode de relevage manuel, ne sont pas létaux et ils sont sélectifs vis-à-vis des espèces », insiste l’élu PS en relayant l’incompréhension des fédérations de chasses concernées. Un trouble également entendu par Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, qui s’est engagée face à l’Assemblée nationale, le 19 février, à «défendre fermement la chasse à la palombe au filet qui n’a jamais été remise en cause au niveau national, qui a toute sa place en France et qui concerne une espèce parfois même considérée comme nuisible».
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